"Basilic : Emblème ailé du démon. Le basilic, reptile mythique, né d'un œuf de coq, a le pouvoir de tuer par son regard." Dictionnaire de l'occultisme et de la magie
Il y a un mois, jour pour jour, nous parlions de la plante d’amour qu’est le basilic. Et bien aujourd’hui, on va parler du tue-l’amour par excellence (ou plutôt le tue-tout-court) qu’est le basilic, le roi des serpents qui hante nos villages. On le connait depuis l’antiquité celui-là et il occupe même certains versets de la bible (traduction grecque, ne cherchez pas, en français, on y place une vipère). Mais quel est le rapport entre le basilic et le basilic ? Aucun. Enfin, juste le nom car tout deux sont nommés en rapport à leur qualité royale. Le basilic (plante) est la plante royale, le basilic (la bête) est le roi des serpents. Dans cet article nous allons étudier la petite terreur mais aussi les histoires qui l’entourent et comment certains auteurs se sont évertués à vouloir casser le mythe.
Le basilic, ce n’est pas ce qu’on trouve dans la chambre des secrets
Passons sur les descriptions du basilic. Dès l’Antiquité, Pline l’Ancien, dans son Histoire Naturelle liste tous les serpents les plus nocifs connus du monde antique. Comme l’Amphisbène d’où vient le titre de cet fabuleuse page facebook, le basilic habiterait en Lybie.
« Sa longueur n'est pas de plus de douze doigts ; il a sur la tête une tache blanche, qui lui fait une sorte de diadème. Il met en fuite tous les serpents par son sifflement. Il ne s'avance pas comme les autres en se repliant sur lui-même, mais il marche en se tenant dressé sur la partie moyenne de son corps. Il tue les arbrisseaux, non seulement par son contact, mais encore par son haleine ; il brûle les herbes, il brûle les pierres, tant son venin est actif. » Pline l'Ancien, Livre VIII, 33.
Ici on trouve un serpent couronné qui se dresse de façon constante comme la pose typique d’un cobra. Son venin est si puissant que par son souffle et son contact il peut tuer. Et encore ce n’est rien ! Pline indique que si le basilic venait à être percé d’une lance, le venin remonterai l’arme pour frapper son porteur ! Hardcore comme venin ! Il précise aussi que le regard du basilic est soi-disant mortel. C’est ce petit détail qui va être retenu dans les descriptions médiévales futures.
Au Moyen-Age, le basilic change de forme, ce n’est plus un serpent, mais une sorte d’hybride. Il est possible que cette forme s’adapte à des croyances locales et à la créature qu’est la Cocatri, mi-coq, mi-serpent. Le basilic devient un coq à la queue de serpent et sa couronne prend l’allure de la crête du gallinacé. S’agirait-il de l’adaptation d’un texte antique avec les coutumes locales ? Qui est né le premier ? Le Basilic ou la Cocatri ? Si Pline n’en précise que l’origine géographique, au Moyen-Age, le basilic va copier les origines de la Cocatri (ou serait-ce l’inverse, perso je penche pour ce cas-là). Le basilic est donc né d’un œuf de vieux coq, parfois couvé par un crapaud ou un serpent. D’autres versions rendent le basilic le fruit de l’accouplement des deux animaux. Là aussi on peut faire un parallèle entre basilic et cocatri, qui née soit d’un œuf de vieux coq, soit d’œuf sans jaune ou sans coquille et maturant sur un tas de fumier. On dit aussi qu’une couleuvre verte et jaune peut s’accoupler avec une poule. On la reconnaîtra au fait qu’elle va se mettre à chanter comme le coq. Petite différence notoire, la cocatri ne s’arrête pas de grandir et peut atteindre la taille d’un dragon.
J’ai un basilic dans mon jardin ! Que faire ? Ben, du pesto ! Bon d’accord, imaginons qu’un basilic hante votre puits (le basilic raffole de l’eau stagnante) ou un quelconque endroit humide. Comment s’en débarrasser ? Le folklore nous donne une astuce à la méduse. Tout simplement, confronter le basilic à un miroir qui va renvoyer son regard venimeux à la bête qui en mourra. La solution prônée par Pline est d’utiliser une belette qui va se battre à mort avec le basilic et grâce à son odeur, va tuer le reptile mais va périr dans l’opération. C’est le moment de faire fructifier ce nouveau cadavre tout frais !
Pline nous dit : « …son sang a été merveilleusement célébré par les mages. Il se fige comme la poix, dont il a la couleur ; délayé, il devient d'un rouge plus vif que le cinabre. Ils lui attribuent encore la propriété de faire réussir près des puissances dans les demandes, près des dieux dans les prières ; de guérir les maladies et de préserver des maléfices : certains le nomment sang de Saturne. » Livre XXIX, 19.
Pas mal ! il existe aussi des méthodes préventives. En se promenant avec un coq, ce dernier ne manquera pas d’avaler l’œuf suspect. Pour l’empêcher d’éclore, il suffit de crier « Baselic » plusieurs fois. Cette dernière solution est trop facile mais de toute manière comment savoir si un œuf est celui d’un basilic sans avoir vu un coq le pondre ?
La terreur des campagnes françaises
En France, le basilic va connaitre un franc-succès et il existe de nombreux « témoignages » d’attaques du reptile venimeux.
« Oyez, oyez, c’estre l’eure des informations ! Dedans l’Yonne, nostre Saint Jean-de-Réome, de par invocation divinus, à fait périr l’affreux basilic qui pourfendait les serfs depuis le dedans du puits de Tonnerre. Dès lors, le puits soigne des humeurs de la teste en buvant son eau. » (Ve- Vie siècle) « La beste frappe encore nos contrées ! Dedans Dinan, sur la place du Marcheix, le basilic tua grand nombre de villageois qui ont comblé par de la chaux vive leur puits dans l’espoir d’occire le démon. » (XVe siècle) « Dans la cité phocéenne, de nombreux puisatiers sont morts en descendant dans le puit de la ville. Les familles des victimes se sont rendues sur les lieux pour protester contre la mauvaise gestion du système d’accès à l’eau potable. » « C’est l’heure de la petite blague en cette fin de journal, apparemment un basilic à la forme étrange aurait été découvert à Mauzerin, dans le Gers. Afin de supprimer la bête, la méthode du miroir fut employée avec succès. Cette dernière aurait la tête d’un homme, une couronne en or et un corps de loutre. L’hypothèse d’un canular n’a pas été écartée. »
Les « Mythbusters » du Basilic Le basilic ne fait pas l’unanimité et beaucoup dénoncent cette croyance en une créature si néfaste. Conrad Gessner, naturaliste du XVIe siècle, montre du doigt les commérages et les faux faits à base de raies. Mathiole fait son gros malin en disant que « S’il tue simplement par le regard, et ben comment ça se fait qu’il y ait des survivants pour le décrire, lui et son pouvoir ? Hein ? Hein ? Moi je dis ça, je dis rien ! » Enfin, Colin de Plancy, l’auteur du célébre Dictionnaire Infernal, annonce qu’aujourd’hui (au XVIIe siècle) TOUT le monde sait que ça arrive que les coqs pondent, que c’est une maladie mais que ça ne donne pas de monstre tueur ! Oui bon à moins que ton coq soit un hermaphrodite (et encore !), il risque pas de pondre un œuf. Si ça pond un œuf, c’est une poule ! Il dit même que des savants ont pu observer le serpent du même nom et qu’ils ne sont pas morts pour autant. Mouais… En conclusion, le basilic c’est une histoire un peu plus longue que je pensais, et encore j’ai pas mis tous les témoignages et à force de lectures je me suis mis à étudier la cocatri pour compléter le tout. Donc faites attention ! Si c’est vert et que ça sent bon, c’est le basilic/plante, pas de danger. Si c’est vert, que ça pue et que vous êtes mort, c’est le basilic/monstre. La différence est minime mais importante ! Bibliographie :
PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle, Livre VIII, 33. PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle, Livre XXIX, 19. BRASEY E., La petite encyclopédie du merveilleux, 2007. COLIN DE PLANCY J., Dictionnaire Infernal, Grenoble, 2013. DELMAS M.-C., Dictionnaire de la France merveilleuse, 2017. DE PANAFIEU J.-B., RENVERSADE C., Créatures fantastiques Deyrolle, Toulouse, 2014.
GALIKOFF Yvan, Dictionnaire de l'occultisme et de la magie, Paris, 1993.
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