Vous savez ce qu’on a pas fait depuis un bail ? Parler un peu d’une cool plante (et faire des articles, ça va, ça va, je sais, j’en fous pas une). Il fait beau, c’est le printemps, allons-y. Comme j’ai pas mal vadrouillé l’été dernier dans l’Aveyron et que j’en voyais à chaque coin de rue, j’ai eu envie de m’intéresser à ce bel (et bon) arbre qu’est le Sureau Noir, et de vous renseigner un peu sur la chose, parce qu’il se trouve que ça fait bien longtemps qu’on l’utilise mais étrangement personne n’en parle. Comme ça, plus d’excuse, vous saurez quoi à faire quand la saison viendra.
C’est quoi cette plante encore ?
Pour planter le décor, le Sambucus Nigra est un arbrisseau (qui peut quand même atteindre les 8 mètres) qui fleurit en mai-juin et dont les fruits arrivent à maturité en août. On l’appelle aussi le “grand sureau”, et si vous avez envie de vous amuser à en ramasser, bah faut faire gaffe, parce qu’il a un frère pas jumeau mais presque, qui lui est toxique. Si vous voulez apprendre à faire la faire la différence, je vous laisse faire la recherche (mais faut être quand même un peu boubourse pour se tromper, sachant qu’ils ne fleurissent pas en même temps et que l’un est quand même beaucoup plus grand que l’autre). Il a aussi un cousin, le sureau blanc, qui se trouve lui au Canada, donc tout pareil, peu de chances de se viander. Il aime bien le soleil, alors on le trouve surtout en lisière de bois, sur les berges ou au bord des cours d’eau. En Aveyron, moi, j’en voyais énormément sur le bord des routes. Cet arbuste produit de jolies ombrelles de petites fleurs blanches, puis des grappes de fruits noirs. Les deux sont comestibles, mais les fruits nécessitent en revanche d’être cuits avant ingestion, si non, cagagne pour tout le monde. Fin nausées surtout en vrai. Les feuilles sont connues pour avoir une odeur plutôt désagréable quand on les écrasent, ce qui peut conférer a notre bel ami une mauvaise réputation. Même son bois n’est pas en reste. Creux, c’est un excellent matériau pour faire des flûtes. C’est d’ailleurs de là que sambucus tire son nom, du grec sambûke, qui signifie flûte.
Histoire et usage médicinal
“Le sureau est utilisé depuis la préhistoire” : une information que je me suis empressé de bien vérifier, vous vous en doutez. Bien que je n’ai pas pu mettre la main sur un article qui en parle formellement, j’ai un peu fouillé, et j’ai trouvé plusieurs mentions du sureau dans des rapports archéologiques. Pas de date précise là encore, mais des graines ont été retrouvées sur des sites, montrant que les baies auraient pu être consommées, et utilisées pour faire des boissons (fermentées ou non), et ce dès le néolithique. On retrouve cependant des mentions de l’utilisation de la plante dès l’antiquité dans la médecine populaire. Aux IIe et Ie siècles, plusieurs auteurs (dont le fameux Pline l’Ancien ou encore Hyppocrate) le recommande contre les inflammations et le nez qui coule. En Amérique du Nord, les amérindiens l’utilisent aussi en lui attribuant les mêmes propriétés qu’au sureau blanc. Son bois est d’ailleurs utilisé traditionnellement dans cette région comme tuyau pour récolter le sirop d’érable. Les fleurs sont souvent utilisées en tisane en cas de grippe ou de rhume (basiquement, pour faire transpirer), et les feuilles fraîches peuvent être utilisées en cataplasme. Les Allemands reconnaissent même en 1986 l’usage médicinal des fleurs pour le traitement du rhume, et dix ans plus tard, l’OMS s’y met aussi, en reconnaissant en plus aux fleurs des propriétés expectorantes.
Magie et culture populaire
Dans la tradition celtique, le sureau serait l’arbre associé à la mort. Les druides confectionnaient dans son bois des flûtes leur permettant d’entrer en contact avec les âmes des défunts. Il serait d’ailleurs utilisé pour les rites funéraires dans les tumulus en Grande-Bretagne. Dans les montagnes des Pyrénées-Orientales et de Catalogne, différentes croyances sont liées au sureau noir. Utilisé dans les bouquets de la fête de la Saint-Jean, il pouvait aussi être cloué sur les portes des maisons pour se prémunir contre le mauvais sort. Le brûler pouvait par contre tarir le lait des vaches ou même le lait maternel, c’est pourquoi on interdit formellement de s’en servir pour le barbeuc’. S'endormir sous un sureau noir vous exposait à des rêves érotiques. L’ethnobotaniste Pierre Lieutaghi dans son ouvrage “La Plante Compagne” écrit en 1998 nous dit du sureau qu’ "il est très fort de mèche avec le sorcier". Il aurait d’ailleurs le pouvoir de renvoyer les maléfices et les sorts. Pour ça, la méthode est simple : il vous suffit de suspendre votre veste, et de la rosser avec une branche de sureau. C’est la personne qui vous a lancé le sort qui prendra les coups, et le charme sera levé ! Bibliquement, on prétend qu'il a pu servir au bois de la sainte croix, certaines sources disent aussi que c'est à une branche de sureau que Judas se serait pendu. A part ça, il semble servir à beaucoup de choses. Par exemple, on peut en prendre une tige et battre à mort les serpents avec, apparemment, “il frappe à mort bien mieux que toute baguette". Paradoxalement, en porter sur soi pourrait prévenir des agressions. En ces périodes de trouble, pensez à la branche de sureau pour la fièvre ! Prenez avec vous une branche évidée dans laquelle vous aurez glissé un papier avec votre nom et date de naissance, et vous en serez guéris. Pour continuer sur sa fonction protectrice, sachez que ses baies vous protègent du mal et de la négativité. Si vous en mettez quelques unes sous l’oreiller, vous serez également protégés de l’insomnie. Portez en sur vous, et pas d’adultaire pour bibi. Suspendu à la fenêtre ou au dessus des portes, ou quand il pousse près de la maison, il la protège contre le mal. Dans le jardin, il prévient également de la sorcellerie. Si ça ne suffit pas, sachez que vous pouvez également bénir une personne ou un lieu en semant aux quatre vents les feuilles et baies de l’arbre au nom de la chose visée. Vous trouverez parfois notre joli sureau noir sous le pseudonyme “d’arbre aux fées”. On pensait que les esprits vivaient à l'intérieur du sureau, c'est pourquoi il "saignait" (il libère une sève rouge quand on le coupe). Comme il est creux, la chose est tout à fait possible ! Mais il abrite surtout beaucoup d’insectes, alors on l’aime beaucoup.
Si vous n’êtes toujours pas convaincu d’en avoir chez vous
Comme je le disais, c’est un super hôtel à insectes. Mais pas que ! Ses feuilles accélèrent la décomposition du compost. En purin*, il est également utile en jardinage pour combattre mildiou et pucerons, mais aussi pour repousser les rongeurs. Son compost favorise les lombrics, et ses baies attirent les oiseaux. Mais étant un énorme sac, c’est le côté culinaire qui m’a en premier lieu attiré chez cette plante. Avec ses fleurs, on peut faire du sirop (excellent dans la bière), de la limonade, des cakes, des beignets... Ses fruits font une délicieuse confiture, des jus, des tartes et des gâteaux, sans parler du vin que l’on peut infuser avec. Buvez de la tisane, restez à l’abri des fièvres et plantez des sureaux, on se dit à bientôt. *Pour faire ce fameux purin il suffit de laisser macérer 1 kg de feuilles pendant quelques jours, dans 10 L d’eau, et de le pulvériser dans son jardin.
Sources :
Joan Tocabens, Herbes magiques et petites formules : Sorcellerie en Roussillon et autres Pays Catalans Michelle Bilimoff, Enquête sur les plantes magiques, éditions Ouest-France, 2016 Scott Cunningham, Encyclopédie des plantes magiques, éditions AdA inc, 2009 http://biologie.ens-lyon.fr/ressources/Biodiversite/Documents/la-plante-du-mois/le-sureau-noir http://www.univers-nature.com/durable-co/flore/sureau-noir-51316.html http://www.le-sureau.org/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Sambucus_nigra https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-60241-synthese https://www.medisite.fr/dictionnaire-des-plantes-medicinales-sureau-noir.48670.8.html https://www.inrap.fr/dossiers/Archeologie-du-Vin/Histoire-du-vin/Du-vin-des-le-VIe-millenaire-avant-notre-ere#.Xn4nYIhKhPY https://www.researchgate.net/publication/280057144_Etudes_paleoenvironnementales_en_contextes_archeologiques https://www.persee.fr/doc/amime_0758-7708_2005_num_23_1_1831
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