J'ai vu un jour un événement sur les réseaux sociaux, me proposant d'aller faire une visite du Père Lachaise avec un « vampirologue » (spécialiste des vampires). Amoureuse de l'occulte, je n'ai pas pu résister lors de mon dernier passage à Paris. Disclaimer : La visite a été très instructive, et a porté mon regard sur beaucoup de choses. Cependant, je me dois de remettre ici quelques petites choses en ordre. Mon but n’est pas de démolir la conférence (que j’ai beaucoup appréciée) du guide, J.S, qui connait le cimetière à merveille, mais ne semble avoir aucune formation scientifique. En tant qu’humble chercheuse, j’ai mené sur certaines choses ma propre enquête, et je viens ici simplement pointer du doigt quelques informations erronées qu’il a pu donner.
La tombe de Dracula Pour cette visite, si vous la faites un jour, et avant de lire cet article, il est important de se mettre en tête une chose : les vampires existent, la magie est partout. Même si l’on n’y croit pas, il est capital d’y croire le temps de cette balade. Puisque nous parlons vampires, je commencerais avec celui que vous connaissez tous : Dracula. Pour mon guide, Dracula était bel et bien enterré au Père Lachaise, information que semble partager un bon nombre de personnes. Pourquoi serait-il en France ? L’explication serait que la France a toujours été un centre névralgique de légendes et d'occultisme. Alors je dis pourquoi pas. Mais comment retrouver ce cher Vlad Tepes dans les 45ha du cimetière ? Il fallait des indices. Et c'est un indice qui est venu directement à mon interlocuteur : quelqu'un – un inconnu - lui a dit de chercher une chauve souris, mais qui n'était pas vraiment là.
Me voilà donc bien avancée, dans le cimetière avec mon groupe, à devoir chercher une chauve-souris invisible. Mais pour le guide, l'enquête est plutôt simple : les vampires détestent la lumière du jour ; il faut donc chercher l'allée la plus ombragée. Ils détestent également les croix : et justement, dans cette allée, celles-ci sont absentes sur tout un côté. Prenant en compte que nous sommes “rue de la Cave”, tous les éléments semblent réunis. Là, il nous place devant un caveau ancien, décrépit, sans prétention. La porte de métal est rongée en bas à droite, et on peut y voir comme une forme de chauve-souris, ou de mâchoire de vampire inversée selon lui.
Sur cette tombe, un nom : LEDUC. Vlad Tepes était prince de Valachie, et ce titre équivaut en Allemagne et en France à celui de duc, encore une fois, le raisonnement reste cohérent.
Derrière le caveau, sur une photo datant d'il y a cinq ans, on pouvait encore voir le couvercle d'une tombe cassé, et présentant l'entrée d'un tunnel, probablement relié à celui-ci, et qui aurait permit les allées et venues du vampire.
Cette allée du cimetière étant vouée à la destruction, la dépouille du prince aurait été déplacée. Pourquoi chercher le corps d'un immortel et devoir le déplacer si il est toujours en activité, ça, je vous le demande. Mais où est il dans ce cas ?
Le mausolée d'Elisabeth Demidoff Elisabeth Alexandra Demidoff (de son nom de jeune fille Stroganoff) était une grande dame de la noblesse russe, et surtout une femme très riche. Elle passera la fin de sa vie et décédera à Paris en 1818, puis se fera inhumer au Père Lachaise, dans un mausolée que vous ne pouvez pas louper, puisqu'il est tout bonnement le plus imposant de tout ce village de morts.
Procédons par information. Selon le guide, cette femme pourrait tout d'abord être la réincarnation de la comtesse Bathory, célèbre pour s'être prétendument baignée dans du sang afin de rester jeune. Ensuite, la légende autour de cette sépulture et les motifs ornant le monument montreraient clairement le statut vampirique d’Elisabeth. Pour finir, c’est à cet endroit précis qu’aurait été déplacé le corps de Dracula. Pourquoi se rapprochement avec la comtesse Bathory ? Même nom, même titre de noblesse, même richesse, enfant du même nom (ce qui après recherche s'avère être une fausse information), et j'en passe. Si je me suis rapidement détournée de cette théorie en faisant quelques recherches simples, et que mon vampirologue m'affirme (pour de toutes autres raisons), avoir laissé tomber l’idée également, son discours en témoigne autrement. Ce mausolée n’a pas été choisi pour rien dans le parcours de la visite : il fait l’objet d’une incroyable légende. A l’origine, je voulais réaliser un article uniquement sur celle-ci, mais vous verrez si vous êtes un peu curieux que la chose a été faite, refaite et rerefaite, je vais donc simplement résumer la chose. Elisabeth Demidoff aurait laissé avant sa mort un document à son notaire, stipulant que toute sa grande fortune serait reversée à quiconque passerait dans le mausolée 365 jours et 366 nuits, à veiller sur son cercueil de cristal. Bien que beaucoup de lettres dans les archives du Père Lachaise attestent de la propagation de cette rumeur partout dans le monde et de l’intérêt que nombreux ont porté à la récompense, on n'arrive en revanche pas à savoir d'où elle vient. La chose a bien entendu été alimentée par les bruits disant que tous ceux qui avaient essayé étaient devenus fous au bout de quelques jours seulement (je ne trouve en revanche aucune information me confirmant que quiconque y ai passé ne serait-ce qu’une nuit).
Qu'en dit mon guide ? Selon lui, si Demidoff est liée à Bathory, la chose est simple : elle la venge. Bathory a été emmurée en châtiment à ses supposées actions, et en est devenue folle. Elisabeth Demidoff chercherait donc en lançant ce défi à enfermer des hommes (responsables de la torture de Bathory) et à les rendre fou de la même sorte. Je dois dire que c'est là une idée qui me plait énormément, et me fait rêver, même si les arguments autour sont plus que faibles. Et surtout, il n'y avait pas lieu de chercher un rapport avec Bathory pour parler de cette théorie de vengeance sur les hommes, elle se suffit à elle seule, et se trouve être très séduisante. Ensuite, parlons vampires. Que voit-on sur ce mausolée ? Des sculptures de tête de loup : symbole vampirique, au même titre que la chauve-souris, jusque là, je suis partante. Mais ce n’est pas tout. On y voit également une alternance, tout autour du socle, de médaillons portant des hermines et des marteaux. Pour J.S, ces mustélidés sont “des loutres” (pour une raison que j'ai totalement oubliée car trop occupée à me dire “c’estpasdesloutresc’estpasdesloutresc’estpasdesloutres”, mais sûrement parce que ce sont des animaux sanguinaires).
Toujours selon lui, ces marteaux seraient en fait un rappel de Mjöllnir, le marteau de Thor, et donc feraient appel à une dimension de vengeance. Si elle peut paraître à première lecture un peu sortie de nulle part, cette interprétation reste tout de même intéressante. Même si ce n’était pas l’argument invoqué par le guide, la présence de ce symbole pourrait être un rappel à la foi en d’anciens dieux germaniques, et donc païens, et le parallèle serait donc intéressant à faire en ce sens avec le supposé statut de vampire. Il voyait également tout autour du mausolée Jörmungandr, le serpent de la mythologie nordique se mordant la queue (symbole d’infini et de renouveau). Malheureusement c’est à partir de là que mon esprit critique a prit le dessus et m’a poussé à la recherche, et même si j’en suis fort déçue, les choses sont beaucoup moins romanesques en réalité. La famille Stroganoff, déjà très riche, avait tiré sa richesse du commerce de fourrures, ce qui explique aisément les figures d’hermines et peut-être même de loup présentes dans l’iconographie de cette sépulture. La famille Demidoff, quant à elle, avait fait fortune dans l’industrie du minerai et de la vigne, ce qui explique clairement la présence du marteau, non seulement en alternance avec les hermines, mais également en tant que meuble sur le blason.
Parlons en également, de ce blason ! Selon mon guide, les trois “V” retournés que vous voyez en haut sont clairement un symbole vampirique. Heureusement j’ai de vagues notions d’héraldique, tout comme nombre de mes amis médiévistes, et il se trouve que nous voyons simplement un blason “Coupé d'argent et de sable, à la fasce d'or brochant sur le coupé, accompagnée en chef de trois chevrons diminués alésés de sinoples rangés en fasce, et en pointe d'un maillet d'argent”. On est d’accord, ça ne veut rien dire pour le commun des mortels, mais ce qu’il y a à savoir c’est que ces “V” sont en fait simplement des chevrons. Qui représentent trois vignes, encore une fois source de la richesse de cette maison. De plus, ce blason est celui de son mari, alors à moins que lui aussi soit vampire, cette iconographie est loin d’être un argument pouvant soutenir ce propos.
Ce fameux Jörmungandr lui aussi, semble juste une guirlande géométrique, ou une chaîne brisée (symbole de mort en iconographie funéraire), et ne peut pas être un serpent qui se mord la queue, tout simplement parce que ses deux extrémités ne se rejoignent pas et sont même clairement dissociées. Je commence donc malheureusement à ce stade à sortir de mon immersion, et à penser que mon « chercheur » est plutôt un « chercheur de coïncidences ». Ce qui n'est pas un mal : c'est en cherchant des corrélations qu'on en trouve. Mais je pars du principe qu'on peut faire parler n'importe quelle information, et commence à trouver mon guide très subjectif dans ses propos. Surtout sachant que le socle portant toutes ces sculptures est bien postérieur à l'inhumation de la noble : le tombeau a été déplacé quelques années plus tard. Enfin, Dracula aurait donc été déplacé dans ce tombeau. Pourquoi ? Et bien je ne m'en rappelle fichtrement plus. Sans doute, et ça serait parfaitement logique, parce qu’on ne risque pas de le détruire de si tôt celui-là. Mais avant que vous ne pensiez que cette visite était toute teintée de négatif et de fausses informations, laissez moi vous parler un peu de ce sur quoi mon œil à été porté par le guide. Si mon âme de chercheuse me pousse à vérifier toutes ces informations, il en est que je n'ai pas pu vérifier, ou n'ai pas senti le besoin de réfuter, parce qu'elles parlent à mon côté mystique.
Les symboles vampiriques J.S a pointé du doigt énormément de symboles qui s'inscrivent parfaitement dans cette thématique du vampire. La chauve-souris, par exemple, est présente sur un bon nombre de portes de caveaux. Parfois simplement découpées dans celles-ci, parfois très finement ouvragées, semblant sortir de leur écrin. Des sabliers, portant non pas des ailes d’anges (montrant que l’on va au paradis), mais des ailes de chauve souris, montrant que l’on va en enfer, parfois (et pourquoi pas ?) de son plein gré. Les visages de chérubins, eux aussi étaient parfois entourés d'ailes de chauve-souris plutôt que d'ailes d'ange. Ils ont très souvent l'air apaisés, et sont dormant*. A l’exception d'un en particulier, où l’on voit clairement que deux pupilles ont été poinçonnées à posteriori, afin de lui ouvrir le regard : peut-être ce mort se réveille-il ?
*Si j'ai pu trouver des informations quant à la figure du sablier, rien en revanche ne me confirme le reste des informations, mais elles ne me semblent pas du tout insensées. Et c'est sur cette action postérieure à l’ouvrage que j'ai envie d'ouvrir ma dernière partie. Parce que des actes de ce genre se font encore au Père Lachaise, comme beaucoup d'autres.
Des rituels toujours en cours L'ange est le messager de Dieu, son exécuteur. Il accompagne de son bras droit, tout comme le Christ, le défunt auprès de son Seigneur. Or, dans ce cimetière, beaucoup d'actes malveillants ont été réalisés : les bras droits de ces sculptures ont été coupés, cassés, arrachés, incisés. J'ai beaucoup aimé la définition du mal que nous a donné le guide. Le mal, c'est faire le mal sans aucune raison, aucun but, en ayant conscience qu'on fait souffrir. Et de nombreux autres actes de ce genre ont apparemment eu lieu : des tombes piquées à cause des coups qu'on inflige directement au mort ; des rituels de toutes sortes ; des offrandes sur des tombes très anciennes, n'étant pourtant plus visitées aujourd’hui ; des animaux mutilés ; et pourquoi pas, même, des histoires de meurtres ?… Une chose est certaine, ce genre de rites s’est toujours pratiqué, et de toute évidence c’est toujours le cas au Père Lachaise, ce qui n’est pas étonnant quand on voit à quel point celui-ci est chargé en histoire, et aussi en magie ! Vous avez déjà vu ces tombes sur lesquelles poussent des arbres ? Eh bien ! ce serait là la sépulture de magiciens, parfois aux grands pouvoirs. Touchez l’arbre et vous pourrez même guérir vos maux !
Pour finir... Je pense que mon interlocuteur n'était ici pas un scientifique. En revanche, il était un excellent guide, qui a su faire voyager son groupe, et le faire rêver, pour peu qu'on accepte de se prendre au jeu. J’ai appris à regarder le cimetière autrement, aussi, je lui en suis très reconnaissante. Je regretterais juste parfois, cette recherche incessante de cohérence et coïncidences malvenues, et cette subjectivité dans le propos, propre soit dit en passant à beaucoup de chercheurs, et aussi, je ne lui en veut pas le moins du monde. Si vous voulez vous faire votre propre avis, et passer un très bon moment, je vous conseille fortement cette visite, si vous savez garder l’esprit ouvert. Sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_Alexandrovna_Stroganoff Stéphanie Sauget « La légende du cercueil de verre du Père-Lachaise entre 1893 et 1937 : rumeurs et murmures urbains internationaux » http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/sites/default/files/forge/audio/sSauget2.mp3 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2350328 http://perelachaisehistoire.fr/le-mausolee-demidoff/ https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article13629 https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Demidoff https://alloleciel.fr/guide/choix-du-funeraire/signification-symboles-funeraires
Comments